Kiki pose… (3ème épisode)
Quand la guerre éclate, en 1914, les modèles italiens, devenus, aux yeux des autorités françaises, des « étrangers sans profession », ont été expulsés.
Aussi, après l’armistice, les professionnels étant plus rares,
Les peintres sont en quête d’une nouvelle source d’approvisionnement.
Nombreuses sont les jeunes filles qui, rejetant les conventions bourgeoises de leur famille,
Ont recours à cette activité pour gagner leur vie en se mêlant au monde de l’art.
Elles fréquentent le Dôme et la Rotonde, où elles rencontrent les artistes.
Un nouveau système apparaît, où le modèle est recommandé par un peintre à un autre. Sinon, il faut faire le tour des ateliers pour trouver de l’embauche.Bien qu’une séance de pose fut une situation fortement érotique
Le peintre ne faisait pas nécessairement l’amour avec son modèle
L’acte lui-même devait être remis à plus tard, voire réprimé, au profit du travail
Les uns ont nié avoir couché avec leurs modèles, d’autres s’en sont vantés.
“Si je ne peins pas d’après un modèle, a déclaré Picabia à Treize, peut-être pour rire
c’est qu’il faut d’abord coucher avec. Et moi, après, je suis crevé et je m’endors.”
Kiki pose pour Mendjizky, avec lequel elle vit.
C’est alors que Kisling, tout bronzé après un voyage à Saint-Tropez,
la remarque à la terrasse de la Rotonde.
Kisling dans son atelier, par un photographe inconnu, à l’époque où Kiki commence à poser pour lui.
“Qu’est-ce que c’est que cette nouvelle putain ?” s’enquiert-il auprès du gérant
Mendjizky se charge des présentations, ce qui n’arrange rien:
“Il m’interpelle en me traitant amicalement de morue, de vieille vérolée. Je suis très fâchée.
J’ai décidé de ne plus lui parler.
C’est dommage, il me plaisait !” commente-t-elle.
Après quelques insultes supplémentaires, ils font la paix:
“Kisling promet de ne plus m’engueuler. Il m’a fait un contrat de trois mois.”
Ce tableau de Kisling date de 1927. Kiki posa pour lui tout au long des années vingt.
Mais, comme Kiki est “un modèle triste”, il pousse des hurlements pour la faire rire
et ils font des concours de bruits.
Zborowski, le marchand, monte plusieurs fois dans la matinée pour
voir si ça marche et pour se rincer l’oeil.
De son côté, Fels, le critique, vient aux nouvelles :
“Il me regarde comme un beau morceau de viande à l’étalage d’un boucher”
Treize a pris en Bretagne ce document, que Kiki a donné à Kisling – lui aussi surnommé Kiki.
Sous les mots “A mon très cher Kiki Kisling”, on peut lire, a demi effacé : “amoureuse, je me donne à toi.”
Foujita raconte ainsi sa première séance de pose avec Kiki :
“Elle rentre tout doucement, timidement
Le fin petit doigt posé au petit bec rouge, balançant son derrière fièrement.
Quand elle a quitté son manteau, elle était absolument nue,
Un simple petit mouchoir de couleur vive épinglé au revers de son manteau donnait complètement
l’illusion de sa dernière robe…”
“Elle prend ma place devant le chevalet, me demande de ne pas bouger et […]
dessine mon portrait. Quand le travail fut terminé, elle avait sucé, mordu tous mes crayons et perdu ma petite gomme et, ravie, dansait, chantait, criait.”
Dessin de Kiki par Kiki 1929
Ce qui l’intrigue, c’est l’absence de poils pubiens chez Kiki
D’ailleurs, Kiki disait : “Il venait fréquemment mettre son nez dessus pour voir si les…
…cheveux ne poussaient pas pendant la pose !
Il disait avec sa jolie petite voix “C’est igolo… pas poils !”
et je suis obligée de me maquiller avec un crayon noir.”
Delambre, côté cour.
Fernande Barrey habitait au premier étage à droite de l’entrée et, à la fin des années vingt,
Kiki au rez-de-chaussée à gauche de l’entrée. Bob Lodewick y habitait aussi.
Kiki et Foujita resteront de bons copains. Souvent, elle passe le voir travailler :
“Il me demandait de chanter Louise. Alors, j’imitais l’orchestre….
Il riait aux éclats et il disait encore “c’est igolo !”
Pour les peintres du quartier en général, comme pour Kisling et Foujita,
Kiki était plus une amie qu’un modèle.
Chacun des artistes pour lesquels elle pose capte une autre facette de sa personnalité.
Leurs tableaux feront d’elle la plus célèbre de Montparnasse.
Le nu couché à la toile de Jouy (Foujita 1922)
Ce tableau qui fut un des évènements du Salon d’Automne de 1922, représente Kiki.
L’auteur raconte : “Le matin, tous les journaux en parlaient.
A midi, M. le Ministre me félicitait. Le soir, pour la somme de 8.000 francs, il était vendu.”
“Trois minutes après, poursuit Foujita, au café du Dôme,
Un riche collectionneur américain lui avait acheté un prix fou ce croquis.”
Les mots en rouges feront l’objet de liens ou d’articles ultérieurs…)
Les textes sont largement inspirés de Billy Klüver & Julie Martin & Kiki de Montparnasse.